Messieurs,
Lors du journal télévisé de 19h30 du dimanche 28 mai 2023, vous avez consacré un reportage sur la viande « in vitro » et l’impact environnemental de la production de viande par les ruminants. Nous souhaiterions exprimer notre opinion sur ce reportage, qui, selon nous, est loin de répondre aux attentes habituelles en termes de professionnalisme journalistique.
Nous considérons que l’une des qualités primordiales chez un bon journaliste est incontestablement sa capacité à vérifier méticuleusement ses sources. Or, c’est avec beaucoup de dépit que nous avons entendu ressortir le chiffre de 15 000 litres d’eau nécessaire pour produire un kilo de viande de bœuf… Ce chiffre, souvent utilisé par des associations anti-spécistes, a été démenti depuis plusieurs années par de nombreux articles scientifiques. Nous vous partageons avec plaisir quelques-unes de ces références bibliographiques, et nous sommes étonnés que vous n’ayez pas pu les trouver vous-même.
La deuxième qualité que l’on est en droit d’attendre est celle de
l’exhaustivité. Dans votre reportage, vous mettez en avant les
externalités négatives de l’élevage. Mais n’auriez-vous pas oublié de
parler des externalités positives ?
En Wallonie, la grande majorité
des ruminants (bovins, ovins et caprins) sont élevés sur des prairies.
Ces prairies qui sont reconnues pour leur impact positif sur la
biodiversité, la qualité des sols, le cycle de l’eau, le paysage ou
encore leurs capacités à stocker le carbone. La fin de l’élevage de
ruminants signifierait la fin des prairies et de leurs impacts
environnementaux positifs. Il est regrettable de ne se concentrer que
sur un seul aspect de la situation.
Finalement, nous aurions pu espérer de votre part plus d’impartialité et d’objectivité. Nous pouvons comprendre que certaines personnes voient du positif dans la viande « in vitro ». C’est peut-être le cas de certains de vos collaborateurs. Mais ce point de vue est loin d’être partagé par tout le monde. Comme vous l’évoquez trop brièvement dans votre reportage, la production de viande en laboratoire n’est possible que via des procédés industriels. Or, notre syndicat a toujours défendu une alimentation produite par des paysans et paysannes et non pas concentrée dans les mains de quelques multinationales dont l’objectif premier est de réaliser du profit. Notre point de vue n’est pas marginal, il est partagé par de nombreux acteurs de la société civile. En tant que journaliste, nous nous étonnons de ce manque d’impartialité et que vous ne reflétiez qu’un point de vue. À force de raccourcis, l’information en devient erronée.
Vous comprendrez donc notre profond désarroi de voir paraitre un tel reportage dans votre journal télévisé, d’autant plus que celui-ci fait référence en Wallonie.
Nous sommes conscients que certaines personnes ont une consommation de viande trop importante et que certaines habitudes alimentaires mériteraient d’être modifiées. Nous sommes aussi conscients que certains modes de production industriels, comme l’élevage hors-sol de porcs et volailles, ont des effets délétères sur notre planète. Mais supprimer la consommation de viande de ruminants ne nous parait pas être une solution aux défis climatiques. Au contraire, il est important de soutenir les paysans et paysannes qui adoptent des modes de production vertueux, liés aux prairies et bons pour l’environnement.
C’est un combat que nous menons au quotidien, via notre travail syndical ou encore via des projets comme « C’Durable ? », mené avec Canopea et Saveurs Paysannes.
Les médias ont donc un rôle à jouer. À l’avenir, pouvons-nous espérer voir des reportages de la RTBF plus équilibrés qui montrent notamment les points positifs de l’élevage de ruminants et des prairies ?
Nous attendons votre retour avec impatience et vous invitons à venir voir, sur le terrain, ces exemples d’éleveurs et éleveuses qui œuvrent à une agriculture et une planète plus durable.
Bien cordialement,
Philippe Duvivier, président de la FUGEA